Faya, des prises d’escalade en bois plutôt qu’en plastique
La nouvelle marque a été lancée par les gérants d’une salle d’escalade bruxelloise. Ils espèrent pouvoir proposer au secteur une « alternative »
Stéphane Hanssens, fondateur de « Le Camps de base » (à gauche), et Pablo Recourt, fondateur de Faya (à droite). © Pierre-Yves Thienpont.
Article par Mathieu Colinet - Journaliste au pôle Economie
On est à Ixelles. Chaussée de Boondael très exactement. Il y a là, nichée dans le quartier, une salle d’escalade. Baptisée « Le Camp de base », elle a ouvert il y a deux ans et demi environ à la place d’un vieux hangar et elle accueille aujourd’hui quotidiennement des dizaines de grimpeurs et grimpeuses. « Lorsqu’on a aménagé les lieux, l’objectif était de le faire dans une démarche écolo », explique Stéphane Hanssens, un des trois cofondateurs. « C’est pour cela, par exemple, qu’on a utilisé toute une série de matériaux de récupération. »
Il y a quelques mois, les trois responsables – tous grimpeurs chevronnés – ont voulu pousser plus loin leur démarche et s’attaquer à un des « points noirs » des salles d’escalades : les prises qui permettent aux sportifs et sportives de progresser à la verticale le long des murs. Présentes par milliers dans les salles d’escalade – « On doit en avoir entre 4.000 et 5.000 », estime Stéphane Hanssens – elles sont généralement faites en matières plastiques – polyuréthane et polyéthylène – qui ne se recyclent pas. « Ce qui signifie qu’elles finissent dans un incinérateur », indique Pablo Recourt, un autre responsable.
Pour améliorer leur bilan environnemental peu flatteur, la petite équipe a décidé de « resabler » les fameuses prises lorsque celles-ci sont « usées », le « sablage » étant cette opération qui leur donne un « grain » et donc une adhérence. « De la sorte, on peut espérer doubler, tripler, voire quadrupler, leur durée de vie », indique Stéphane Hanssens. « On fait cela aujourd’hui pour toutes nos prises. »
De façon plus ambitieuse encore, les responsables de la salle se sont lancés carrément dans la création de gammes de prises d’escalades. Plus en matières plastiques cette fois mais en bois. Le tout sous une marque propre – Faya – qu’ils ont créée.
Le camp de base © Pierre-Yves Thienpont.
Une petite touche
Lorsqu’ils avaient équipé « Le Camp de base », les cofondateurs s’étaient déjà posé la question de savoir quels types de prises choisir. Sans entrevoir toutefois d’autres véritables options que celles en plastique ou en fibre de verre, celles-ci représentant la quasi-totalité du marché – à quelques pourcents près – et étant aussi nettement moins chères. « Or, s’équiper en prises, c’est un sacré budget pour une salle d’escalade », explique Stéphane Hanssens. « Entre 50.000 et 100.000 euros. Recourir à des prises en bois uniquement, cela aurait voulu dire doubler quasiment ces montants dans notre cas. A l’époque, on s’est limité à acheter quelques prises en bois. »
Dans l’équipe, c’est Pablo Recourt qui a pris à son compte la création des nouvelles gammes. Un projet qui a nécessité qu’il trouve les formes les plus adaptées. « Des prises, il en existe des milliers aujourd’hui », explique-t-il. « Donc, c’est compliqué d’être complètement novateur. Mais il faut quand même parvenir à y mettre sa petite touche. Au-delà, bien sûr, les prises doivent être confortables. C’est très important. »
Le jeune homme a également beaucoup travaillé sur le grain. « A cet égard, on s’est servi de la salle d’escalade comme d’un laboratoire », indique Stéphane Hanssens. « On a beaucoup testé le sablage jusqu’à arriver à quelque chose de suffisamment convaincant. »
Pour fabriquer les prises, les compères peuvent compter sur les nouvelles technologiques. Et notamment sur celles d’usinage 3D. « On utilise une fraiseuse numérique », explique Pablo Recourt. « Après avoir encodé les informations nécessaires, il suffit de placer le bloc de bois et d’attendre que la machine l’évide. Cela permet un travail précis et facilement duplicable », explique Pablo Recourt.
Se faire connaître
Il y a quelques semaines, lors de leur événement annuel, les responsables de la salle ont présenté leurs prises en bois. Et, depuis peu, ils ont lancé la commercialisation étant notamment présents il y a quelques jours à Paris au Salon de l’escalade.
« Pendant un an, je crois qu’on va devoir se faire connaitre », affirme Stéphane Hanssens. « Mais à terme on espère vraiment que les prises qu’on fabrique puissent devenir une alternative. »
Stéphane Hanssens et Pablo Recourt sont convaincus que toute une série de salles seront intéressées par leurs prises. Serait-ce le signe qu’une conscience écologique est à l’œuvre dans le secteur ? « Cela commence en tout cas », affirme Pablo Recourt. « Avec certains acteurs qui avancent dans ce sens-là. Pour autant, on ne peut pas dire que ce soit devenu déjà une priorité plus globalement »
Un prototypage hébergé par Cityfab 2
Dès les premiers mois, le projet a été développé sous l'aile du Cityfab 2 - un atelier communautaire situé à Evere. Cet espace, initiative de la région bruxelloise, propose des formations et mises à disposition de machines telles que des CNC ou des lasers. "Quand tu es dans une phase de recherche, c'est une mine d'or pour explorer des processus de fabrication à moindre coûts" nous explique Pablo Recourt.
Du bois de la forêt de Soignes
Pour se fournir en bois, Faya travaille avec la coopérative bruxelloise Sonian Wood Coop - active depuis fin 2019 - qui traite du bois provenant de la forêt de Soignes. « On va sur place, on sélectionne les chutes et on sculpte les prises dans celles-ci en quelque sorte », explique Pablo Recourt.